Douance/Ecole

Enfants précoces et scolarisation.


Ce n’est absolument pas nouveau, il y a en France un gros débat sur l’école et sur sa capacité d’accueil des enfants à besoins particuliers. Dont, bien sûr, les « enfants précoces », ou surdoués, ou ce qu’on veut.

Il y a ceux qui nient purement et simplement leur existence, notamment certains profs ou certains psychologues, qui allèguent n’avoir jamais rencontré de tels enfants. Je veux bien croire qu’ils soient importunés par de nombreux parents gaga qui surestiment leur progéniture au mépris de toute dignité intellectuelle – je n’en ai personnellement jamais rencontré de tels, ou pour être précise, je vois de nombreux parents imbus de leurs enfants au-delà du raisonnable, mais pas au point de les soupçonner surdoués, quand j’ai eu à aborder le sujet, c’est moi qui ai mis les pieds dans le plat, pas eux, et ils ont à chaque fois spectaculairement baissé la tête pour avouer, presque honteusement, qu’effectivement leurs enfants avaient des particularités plutôt singulières. Je veux bien admettre également que les ouvrages de vulgarisation sur le sujet peuvent prêter à raillerie car, à dresser des listes de « symptômes » et de traits caractéristiques tournant beaucoup autour de la sensibilité, par exemple, n’importe qui peut finir par s’y reconnaître, à tort, comme certains l’ont bien compris et l’exploitent à mauvais escient. Je reconnais également que le petit monde des enfants surdoués peut prêter à une confusion totale. Ce sont des enfants à haut potentiel intellectuel mais souvent échec scolaire et/ou également affectés par une maladie en dys, dont la distraction peut laisser croire qu’ils n’ont rien compris à quoi que ce soit, qui ont souvent une faible capacité de résistance à l’ennui sans même être à même de pouvoir être conscients qu’ils s’ennuient, qui peuvent être  très extravertis et confiants comme complètement renfermés sur eux-mêmes, très scolaires comme très inhibés, bref, il y a une profusion de profils possibles et tous ne laissent a priori pas soupçonner un esprit qu’une personne lambda, pas particulièrement au courant, peut spontanément accepter comme appartenant à la catégorie des surdoués. D’ailleurs, même pour moi, surdouée et le pif dans la vie scolaire de mes élèves, repérer les surdoués peut être un exercice périlleux et haut en surprises.

Mais reste que l’existence des surdoués est avérée par des tests, des professionnels, des individus qui arrivent à en tirer quelque chose, et, de plus en plus, apparemment, des confirmations grâce à l’imagerie médicale. Ce n’est donc ni une lubie, ni une pure invention sortie de la tête de parents pas très nets – d’ailleurs, combien de surdoués ne se découvrent comme tels qu’à un âge avancé, voire, comme pour une connaissance, à la suite d’une consultation pour vérifier s’ils ne seraient pas attardés! Il est peut-être bon de rappeler que, si l’on est à même de déterminer qu’une partie de la population est « en retard », ou « limitée », ou, peut-être, « en-deça » des performances  intellectuelles moyennes de la population, il serait absurde qu’il n’y ait pas une partie qui, elle, soit au-delà de ces normes. Ce point est d’ailleurs rendu assez confus par les affirmations que les surdoués ont une intelligence non pas quantitativement mais qualitativement différente, alors même qu’un QI supérieur à 130 (en gros) est généralement nécessaire au diagnostic de douance (bien que plusieurs facteurs puissent fausser les résultats du test, comme l’inhibition, les maladies en dys, l’ennui, la peur de l’échec, la dépression et tutti quanti). Mais une certaine modestie exacerbée, un manque de confiance en soi, ou carrément un besoin de s’arranger avec ce facteur pour mieux rentrer dans le diagnostic sont monnaie courante chez les surdoués, qui de ce fait crient leur non-supériorité intellectuelle. Intéressante confusion d’ailleurs, comme si on ne pouvait pas être très intelligent sans être supérieur (dixit qui?).

Dans le cas des enfants,on se retrouve donc face à un épineux problème: le petit Ulrich est-il réellement surdoué, ou bien ses parents sont-ils de la trempe de ceux qui croient avoir engendré un petit Einstein sans réelle justification (mais combien ont-ils donné à la psychologue pour qu’elle leur sorte un bilan psy complètement galvaudé? Il est surdoué mais incapable de lire, qu’est-ce qu’on en fait? Alors même qu’un des signes de la douance peut être qu’un enfant a appris seul et jeune à lire! Il s’ennuie, lui? mais tout est trop difficile pour lui! Il pleure comme un bébé à chaque contrariété! Il est beaucoup trop immature pour sauter une classe!

Et la raison pour laquelle je cause de cela est qu’il existe quelques classes et écoles spéciales pour les surdoués, peu certes, c’est tabou en France comme sujet! On prône l’égalité des chances, l’accès à toutes les infrastructures aux handicapés moteurs, la nécessité de prendre soin des handicapés et malades mentaux, mais par contre, être hors normes intellectuellement est une honte qui mérite l’anathème, surtout si elle a l’outrecuidance de ne pas correspondre aux clichés qui parasitent cette perception du hors-normes. Toute différence n’est pas bonne à avoir, donc! Et du coup, je lis partout des propos qui m’attristent fort. Je lis des mamans affirmer que mettre son enfant surdoué dans une classe spécialisé est une « solution de dernier recours », une décision douloureuse qui impose des sacrifices etc.

Non mais, sérieusement???

Attendez, c’est GENIAL qu’il y ait des écoles spécialisées pour les petits surdoués! Pourquoi?

– Parce que c’est souvent la croix et la bannière pour leur faire suivre une scolarité dans des écoles classiques, parce qu’ils nécessitent des aménagements que les instit et prof refusent ou ne peuvent concrètement pas leur donner pour diverses raisons (notamment parce qu’ils ont une vie en dehors de la classe, et qu’ils ne peuvent décemment pas préparer à la fois des cours pour le gros des élèves, PLUS d’autres choses pour les surdoués, les dyslexiques, dyspraxiques ou autres dys, ainsi que pour les enfants ayant d’autres besoins particuliers. Ils sont peut-être payés pour ça mais il ne faudrait pas non plus les prendre pour des être corvéables à merci au détriment de leur vie sociale et familiale ou autre. Et je n’ai même pas mentionné le travail administratif qui s’ajoute à la pure préparation de cours. Un prof n’est pas plus payé à rien faire que n’importe quel autre employé, il fait des choses en-dehors de ses heures de cours…)

– Parce que, souvent, tout ce qu’on peut leur proposer c’est de sauter des classes, mais que ce n’est pas une bonne solution pour n’importe quel enfant surdoué.

– Parce que beaucoup de parents avancent comme raison pour les maintenir dans une école classique la nécessité de les habituer à la vie en société, à s’adapter, à être dans un environnement représentatif, en termes de distribution de surdoués, à ce qui les attend plus tard.

Ca me paraît mauvais comme calcul parce que d’une, dans une école pour surdoués, il faudrait être une bille pour s’imaginer que ce serait bisounoursland pour le cher petit de la maternelle à la troisième. De la socialisation, des disputes, des coups vaches, des crasses et des amitiés, il en aura tout autant là-bas. De deux, quand on voit le nombre de surdoués qui sont infoutus de mener une vie normale et épanouie à l’âge adulte, alors qu’ils sont passés pas l’école classique, ça devient vraiment du foutage de gueule de dire que c’est nécessaire de passer par là pour s’adapter. Mais les zamis, non, différents nous sommes, différents, pour nombre d’entre nous, nous resterons. Arrêtons de nous voiler la face! Alors si on a le choix entre faire subir un pensum à un enfant pendant quoi, 15 ans s’il arrive à la terminale, et le mettre dans un milieu adapté qui lui permettra sans doute plus d’apprendre à tirer parti de ses spécificités au lieu de l’inciter à s’escrimer à les nier et les raboter pour faire plaisir à papa, à la maîtresse, et à Vanessa la pouf de la classe qui sinon va monter les autres abrutis contre lui/elle, est-il réellement raisonnable de choisir l’école classique?

De même que, en l’absence d’école ou de classe spécifique, on peut aussi opter pour la scolarisation à la maison… Et est-ce que ça ne vaudrait pas pour nombre de petits surdoués malheureux toute leur enfance, qui se sentent déjà différents et auront cette impression toute leur vie, parce qu’ils le sont, un point c’est tout! Même entre surdoués, il y a une forte tendance à vouloir imposer aux enfants des épreuves que nous sommes nous-mêmes incapables de surmonter!

On a l’impression que ne pas être formatable est une tare. C’est une richesse, qui a un certain prix, mais peut-être que si justement nous offrons aux petits la chance de se consolider sans se demander s’ils débarquent de mars toutes les deux minutes, ils seront mieux armés pour la suite. Personnellement, je ressens fortement aujourd’hui encore les séquelles de mon formatage à l’école, j’en ai déjà parlé, et j’ai également mentionné mes difficultés face aux autres et au monde social qui m’entoure. Alors il serait bon, je trouve, que nous arrêtions, nous tous, de nous excuser de demander pardon de ne pas être comme tout-le-monde, car nous n’avons rien demandé. Il est temps d’arrêter le complexe du surdoué, sans tomber dans la flagornerie, mais au moins, d’assumer d’être différents, d’avoir des dons, et peut-être arriverons-nous enfin à en faire quelque chose! Et les petits surdoués qui ont plus de moyens que nous autres à disposition (certes, pas partout), il serait bon d’arrêter de les dédaigner sous des prétextes qui relèvent plus de croyances que d’arguments valables!

Surtout que ces écoles mènent aux mêmes diplômes et que donc ce n’est pas comme si on les sortait irrémédiablement du système scolaire (j’ai d’ailleurs envie de dire, et quand bien même, quelle importance…)!

Alors je soutiens et les écoles pour les petits surdoués (et leurs profs!), et la scolarisation à la maison! L’école, c’est moins important que la scolarisation, le chemin personnel ou le développement de nos capacités!

13 réflexions sur “Enfants précoces et scolarisation.

  1. Où met-on les 10 étoiles ?
    J’approuve totalement cet article, et je vais de ce pas le diffuser tous azimuts…
    (j’ai connu ma Vanessa, elle s’appelait Pascale C. …)

    • Arf, la Belle Bleue, je suis désolée que tu te souviennes encore de cette fille! Je viens de commencer à écrire entre parenthèses que je ne sais pas pourquoi j’ai choisi « Vanessa », comme prénom de vilaine, parce que je repense à une très gentille Vanessa de ma classe en primaire qui était grosse et dont tout le monde se moquait (et bien fait pour leur pomme, elle est devenue une très belle femme), et puis ça vient de me revenir… J’ai eu une vilaine Vanessa au collège, une fourbe méprisante de la pire espèce. Joli lapsus!

  2. Moi aussi je les soutiens, & je suis d’accord avec une gde partie de ton billet ! 😉
    Mais, (il y a un mais…) : le seul petit bémol que je mettrais, personnellement, est celui-ci « Je lis des mamans affirmer que mettre son enfant surdoué dans une classe spécialisé est une “solution de dernier recours”, une décision douloureuse qui impose des sacrifices etc. ».
    Je crois que pour de très nombreuses familles, il y a un véritable problème d’ordre financier ! Il ne me semble pas que dans l’idéal (si leurs moyens ne bloquaient pas) ces familles persisteraient à penser qu’il s’agit d’une solution de dernier recours

    Je comprends la chose dans ce sens & je ne peux que m’attrister plus encore de la situation, car quoi de pire que de pouvoir (géographiquement parlant) avoir la chance d’inscrire son petit zèbre dans une école spécialisée pour enfants surdoués… & de devoir y renoncer faute de moyens financiers, ou d’inscrire l’enfant, mais en faisant effectivement d’énormes sacrifices (s’endetter, être contraint d’emprunter de l’argent à des proches) pour assurer le paiement des frais ?

    Une école spécialisée coûte au bas mot 500 €uros / mois & / enfant (en externe !). Le surdouement ne touchant pas, malgré les allégations de certains psy ( ), que des familles aisées, ce point est à prendre en considération dans la question de la scolarisation des EIP.
    Aussi qd je lis que pour certains c’est un sacrifice, oui, ça l’est sans aucun doute (sur ce plan-là en tous cas) pour des familles n’ayant pas de gros salaires 😦

    Alexandra

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  4. Bonjour, je suis psy et j’en ai rencontré pas mal, des surdoués, bien que pour ma part le terme que j’ai retenu est « à haut potentiel intellectuel » (parce que c’est surtout d’un potentiel qu’il s’agit, à exploiter ou non)
    en revanche j’en ai rarement rencontré qui ne sache pas lire…. qui ne savent pas écrire ou orthographier, ça oui bien sûr
    pour ma part, je prônerai plus une scolarisation classique avec un suivi béton avec un psy calé sur la question des émotions, type comportemental troisième vague…. parce qu’en effet dans une école ou un autre, l’enfant HPI sera confronté à l’omniprésence de ses pensées, aux ruminations mentales parfois, à l’hypersensibilité toujours et s’il n’a pas les armes pour en faire des atouts, c’est plus problématique.

    Je travaille en milieu rural et il y a en effet des enfants HPI dans toutes les classes sociales

    il y a aussi beaucoup d’enfants HPI qui suivent une scolarité normale en s’ennuyant… sans être repérés puisqu’ils vont bien sur le plan scolaire, ils arrivent à s’adapter aux contraintes scolaires même si leur sensibilité leur joue des tours

    alors c’est vrai qu’il y a autant de solutions que d’enfants, que cette « épidémie » d’HPI est un peu surévaluée (le QI global monte avec les générations), mais toujours est-il qu’il y a plein de choses à faire pour que ces hauts potentiels puissent s’exprimer et s’épanouir dans notre société….

    • Bonjour Isabelle,
      merci pour ce commentaire, je préciserai que c’est justement parce que je fais partie des enfants qui ont eu une scolarisation brillante et silencieuse pendant très longtemps que je suis particulièrement enthousiaste à propos des écoles spécialisées: je n’avais en apparence pas de problème certes, mais en réalité je me suis bien crâmé le ciboulot à vouloir être gentille et bien faire, et cela aurait peut-être pu être évité. Bien sûr, il n’y a pas qu’une solution pour tous, et il ne sert à rien de revenir sur le passé. Mais je trouve que c’est une telle aubaine que l’on trouve maintenant quelques écoles spécialisées!
      Personnellement, une solution m’intéresse particulièrement, même si elle est peu renseignée: la mise en place de petites « coopératives » de familles qui scolariseraient leurs enfants ensemble, à la maison. A voir!

  5. Pour rassurer les parents qui craignent le côté ghetto des écoles spéciales surdoués, il existe l’option école Montessori. C’est encore pire pour le prix, mais chez nous, on a beaucoup apprécié de pouvoir mettre nos enfants dans une école pratiquant cette pédagogie avec laquelle chaque enfant, quelles que soient ses compétences, a le droit d’apprendre à son rythme et n’est pas pénalisé s’il va trop vite ou trop lentement. En plus on a rencontré plusieurs familles dans le même cas que nous, et c’était vraiment d’un grand secours de pouvoir découvrir la précocité intellectuelle de nos enfants ensemble, et de pouvoir partager nos questions et nos trucs (et nos adresses de psy).

    • Effectivement, j’ai une de mes meilleures amies qui est instit Montessori, à chaque fois qu’elle m’en parle je suis emballée, mais le prix de la formation dans un bon centre agréé est… plus que prohibitif, et je dis ça en ayant fait mon Master en Angleterre!!

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  7. Je ne sais pas comment le système scolaire doit prendre en charge ces enfants, mais pour avoir souffert d’ennui pendant des années, ça me semble une question fondamentale, merci de l’aborder. Je me suis enfermé pendant quarante ans dans une impasse parce que personne n’a su m’expliquer que je ne fonctionnais pas comme la moyenne. Je me sens blessé que certains professionnels se contentent de « ne pas croire en la douance » : nos souffrances ne comptent pas ?

  8. merci pour ce billet, qui résonne en moi, comme plusieurs de vos billets que j’ai lus (notamment sur votre parcours scolaire!!!)…tout d’abord, parce qu’à force de douter de soi-même, même si mes 2 filles (de 2 pères différents…) ont été diagnostiquées précoces, ces derniers mois, et il faudrait peut-être tester aussi les garçons…???
    1) parce qu’en tant que maman, ça m’est apparu comme tellement logique que ma dernière soit précoce, ce dont je n’avais pas forcément douté pour la 1ère fille (à tort!!!) …et quand je vois le gâchis en école traditionnelle: mes 3 grands ados sont tout juste moyens…
    2) parce qu’en tant qu’instit, on veut aider des enfants, on voit des difficultés ou des facilités, mais en effet, on « n’est pas équipé » par l’Educ. Nat. pour tout repérer…
    3) d’où un choix qui s’est imposé de lui-même pour la dernière: faire l’école à la maison, en me formant en Montessori par mes propres moyens (en France, il est possible de se former par des stages d’une semaine à la fois: plus facilement gérable dans l’emploi du temps et plus abordable…que la formation de l’AMI), car en effet, 2 problèmes pour les écoles Montessori en France : il y en a très peu, et ce n’est pas abordable pour tout le monde, et sans doute encore moins dans le cas de fratries « zèbres »…
    4) il n’existe presque rien, passé le cap de la primaire, en France
    5) autant les instits sont tout de même plus ou moins à l’écoute des parents et enfants pour trouver parfois des solutions d’aménagement de scolarité, autant, ce n’est plus possible au collège ou au lycée …tout au moins, ma grande ne souhait pas communiquer avec ses profs sur son test passé…il faut dire qu’en matière d’écriture « cochonne », elle s’est fait rabrouée ces dernières années d’une manière inimaginable…

    vous remarquerez que je n’évoque pas clairement la possiblité d’une « surdouance » de moi-même, la maman, sur mon blog, car on ne connait pas toujours l’impact sur des personnes qui nous connaissent (et ce n’est pas le sujet prioritaire de mon blog)…d’autre part, je n’ai pas été testée, et même si la psychothérapeute qui suit ma grande (pour la violence de ses crises d’adolescence, pour résumer la chose) n’en doute pas une seconde, que beaucoup de choses lues résonnent en moi, je doute toujours…

    et surtout, désolée pour les fautes d’orthographe, s’il y en a, car, en principe, j’y suis très attachée moi aussi, mais là, enceinte, on n’a dû me ponctionner une partie du cerveau, c’est parfois incroyable…

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